Marwan et son frère Tarek sont contraints de quitter leur pays en guerre, où ils vivent dans une peur permanente. Avec leur famille, ils s'entassent sur un petit bateau de fortune et parcourent des milliers de kilomètres à la rame en quête d'une terre d'accueil. Mais, contre toute attente, les habitants des îles qu'ils abordent restent sourds à leurs appels à l'aide et repoussent leur rafiot vers la mer en se confortant dans leurs préjugés et en hurlant: "Y'a pas d'place chez nous!". Certains cherchent néanmoins à se déculpabiliser en leur lançant quelques vivres destinés à leur permettre de subsister jusqu'à ce qu'un voisin accepte de les prendre en charge. Après de longues semaines de violentes tempêtes, Marwan et son frère voient enfin leur embarcation dériver jusqu'à un îlot où hommes, femmes et enfants leur ouvrent les bras en leur assurant qu'ils mettront tout en oeuvre pour leur faire une place ... [SDM].

Une évocation juste, sensible et émouvante de la destinée tragique de ces milliers de réfugiés de guerre, qui abandonnent leur terre natale en quête d'un monde meilleur et entreprennent un voyage des plus périlleux au fil duquel les préjugés et l'hostilité de potentielles sociétés d'accueil viennent s'ajouter à la faim, la soif, le froid, la peur et le dénuement complet qui est le leur. En évitant adroitement les écueils du misérabilisme, de l'apitoiement et du mélodrame, l'auteure donne à vivre l'aventure de l'intérieur, en compagnie de deux frères remplis d'espoir, qui se montrent ébranlés par les commentaires désobligeants que le vent transporte jusqu'à eux. Ces scènes où Tarek questionne sont grand frère avec inquiétude en lui demandant s'il est vrai qu'ils puent sont particulièrement bouleversantes et facilitent l'identification des jeunes lecteurs en mettant en lumière une préoccupation commune. Les illustrations aux couleurs sombres, qui mêlent pastels et aquarelles à un trait vigoureux traduisant parfaitement les humeurs changeantes de la mer, mais également l'émotion des garçons aux grands yeux expressifs, accompagnent le texte avec une inquiétude mêlée de tendresse, qui fait également place à un soupçon d'ironie mordante dans les représentations des habitants imbus d'eux-mêmes, qui refusent de venir en aide à leur prochain. Un ouvrage nécessaire pour amorcer une discussion sur un sujet on ne peut plus d'actualité avec les petits. [SDM].